Le Gabon s’invite à l'Olympia. Diboty Anily


Il règne comme une atmosphère étrange dans ce temple de la musique parisien établi par Bruno Coquatrix. Est-ce le décor tout de feuilles de bananier qui ne sont pas sans rappeler la végétation tropicale des forêts du Sud de l’Afrique Centrale ? Ou encore sont-ce les jeux de lumières qui mélangent onctueusement le bleu, le vert et le jaune et évoquent le drapeau d’un certain pays? Peut-être ce public très Gabonais (chacun entendra ce qu’il voudra) qui nous ferait croire que nous sommes dans une salle de spectacle de LBV (mis pour Libreville mais prononcez « elbève »)? En somme, pour les ministres et les anonymes c’est venez voir et être vu. Pour l’heure, voyons d’abord. Pour sûr, l’alchimie tient à ces éléments réunis, mais surtout à la présence en ces lieux de la chanteuse Gabonaise Annie-Flore Batchiellilys. Le Gabon s’invite à Paris pour y faire la fête. Tout un spectacle !

Les billets disaient que le spectacle commencerait à 20h30. Habituée d’autres spectacles africains, j’ai cru que l’horaire serait lui aussi « africain » et les 10 minutes de retard (croyez moi j’ai fait pire…) que j’ai accusées m’ont coûtée la première chanson et vu ce que le reste m’a réservé, je confesse nourrir quelques regrets. Bon me voilà calée dans mon fauteuil, prête à ne rater aucune miette de ce qui va suivre. Que dire ?

Retour sur images. J’ai fait la connaissance d’Annie-Flore il y a de cela 4 ans, quand des amis m’ont traînée à un concert au Petit Journal Montparnasse, pour regarder se produire une figure montante de la World Music. J’y suis allée par pure curiosité et grands furent ma surprise et mon plaisir.



Du Petit Journal Montparnasse à aujourd’hui, Annie-Flore a semble t’il mûri, moultes coups du sort (bons et mauvais) ont eu un coût sur sa vie et son art. Je dirais -en profane- que comme le vin, elle se « bonifie avec l’âge ». Ce soir, elle, l’ambassadrice du tourisme de son pays, nous « invite » au Gabon comme le suggère le titre de son album. Elle porte haut les couleurs de son pays et celle du continent. Quand elle entonne l’ « hymne » Bisse Ngabu, c’est toute la salle qui se lève et proclame son amour de cette patrie située au sud du mien mais dont je me sens si proche ce soir pourtant. De chansons en chansons, elle nous transporte à 6000 kilomètres de nos fauteuils (pas si confortables au demeurant) : direction la « brousse », le village de Tchibanga au sud-ouest du Gabon. Elle chante en français et en punu.

Les mots simples trahissent une sagesse vraie acquise aux contacts des anciens de nos villages.
«Le chant c’est mon champs … », reste ma chanson préférée de son répertoire. Annie-Flore n’oublie jamais d’où elle vient et c’est probablement ce qui rend si authentique sa musique. Elle aime ses racines et nous invite à les découvrir. Là, à l’Olympia, sa voix tremblante mais forte trahit son émotion d’être là, plusieurs fois durant la soirée, on verra les larmes s’écraser sur son visage. 3 albums plus loin, l’âpreté de l’effort et l’ardeur d’un travail sans relâche enfin récompensés ? Elle a ses mots si justes pour le décrire quand elle nous dit qu’elle a vogué « de galas en galères… ». Elle rappelle que la musique peut s’avérer longtemps ingrate, mais quand l’heure de la gloire sonne, alors il ne faut pas oublier de rendre grâce en mots et en gestes. L’émotion est à son comble quand elle rend hommage à Nougaro. Elle parle aussi de Tom Yom’s qui nous a quittés il y a peu. Le plus beau réside dans le fait qu’Annie-Flore consciente du fait que la réussite reste un algorithme compliqué où se mêlent intimement travail et chance, sait mettre en avant son pays et tirer les autres, comme on lui a tiré la main en son temps. Elle invite sur scène des jeunes talents de la scène Gabonaise, souhaitant qu’ils soient eux aussi repérés par quelque distributeur qui leur permettrait à eux aussi un jour peut-être de faire l’Olympia…Ainsi je découvre entre autres, Nanette et sa voix suave qui chante un amour déçu par les hommes. Ensuite Annie-Flore nous offre un « pot pourri » de reprises : Patience Dabany, Oliver N'Goma, Pierre Claver Akendengué, etc….9 reprises pour symboliser les 9 provinces du Gabon. Voilà un bel hommage qui est rendu à ses prédécesseurs et à la scène musicale de son pays. Plus patriote, tu meurs !!!



L’heure s’étire, mais nous ne la voyons pas, trop occupés à finir les paroles qu’elle commence. Elle annonce que c’est la dernière chanson. Le public en osmose se lève, comme dans un vain sursaut pour retenir la magie qui s’éteint et la supplie de continuer. Il en va ainsi des bonnes choses, on voudrait qu’elles ne terminent jamais. J’aimerais qu’elle reste là sur scène à clamer l’amour du pays natal et de la vie. Mais voilà qu’elle doit partir. Rendez-vous est pris pour une prochaine fois.

Diboty Annie-Flore pour ce moment fort, pour ce temps mélodieux où tu nous as suspendus à tes lèvres. Ne t’arrête pas en si bon chemin et continue à nous faire vibrer de la sorte.

Il est tard, minuit s’annonce, je hèle un taxi qui passe par là, en m’engouffrant dedans, les paroles résonnent encore dans ma tête. Diboty !

p.s : mille mercis à Arnaud pour les photos, et pour son stoïcisme alors que je n’ai cessé de le presser afin qu’il me traduise et me restitue tout le sens de ce qu’il était donné à mes oreilles d’entendre. Diboty !

Commentaires

Anonyme a dit…
Bonjour...
Je suis Ella, la fille d'Annie Flore. Merci pour ce superbe article sur le concert...
Ma mère m'avait un beau annoncé qu'elle ferait l'Olympia... Je vous avoue que j'ai cru sur le coup à un coup de tête ! Alors quand elle m'a annoncé des mois plus tard la date de l'Olympia... J'ai halluciné !
J'ai vu tout le boulot que cela a demandé à ma mère, et j'ai vu aussi toutes les difficultés qu'elle a eu pour en arriver là...
Mais en lisant vos nombreux articles et commentaires, vous qui étiez dans la salle, je me dis que Maman a eu raison...
Alors merci infiniment pour votre présence là-bas ce soir-là, et pour tous les souvenirs que vous en gardez !
Merci pour se soutiens envers ma maman...
Merci encore !
Bonne journée à tous !!
Ella.

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There are things we don't want to happen, but have to accept. Jennifer "JJ" Jareau