Le digital comme complement a l'industriel : le pari du high-tech low-cost au Rwanda
Alors que la question de la couverture numerique fait couler beaucoup d'encre en France et aux Etats-Unis, l'Afrique avance a petits pas sur le sujet. Et pendant ce temps au Rwanda, Greg Wyler, un entrepreneur americain a fait le pari de raccorder tout le pays des Mille Collines et le Wall-Street Journal voit en lui le Don Quichotte des Telecoms en Afrique.
Apres avoir rachete pour $20 m en 2005, l'operateur public Rwandatel, Greg Wyler a decide de faire de la compagnie rebaptisee Terracom, le fer de lance de son projet de low-cost high tech. Il voudrait fournir a tous les rwandais un acces internet pour la somme de $80 par mois. Rappelons que le salaire annuel moyen d'un Rwandais est de $200, ce qui prouve que le projet releve de l'ambition demesuree voire de la gageure. A sa decharge, il a eu au moins le merite d'essayer et de reussir a connecter certains endroits les plus recules du pays. La tache n'en demeure pas moins immense.
Ce projet souleve neanmoins quelques questions sur l'adoption des nouvelles technologies en Afrique. A la suite de Kevin Kelly et de son essai "The Myth of Leapfrogging", Emeka Okafor nous rappelle que l'accent ne saurait etre mis sur les nouvelles technologies de l'information au detriment du developpement des infrastructures dites "anciennes", de l'industrie et autres activites essentielles. Le developpement se doit d'etre realise par etapes, la revolution technologique a comme preliminaire la revolution industrielle. Le saut d'etape tel que nous l'avons vu avec l'adoption fulgurante du telephone mobile est une exception notable dans la dynamique somme toute ordonnee des tendances technologiques. Le wifi ne sera possible que si nous avons d'abord l'electricite. En d'autres termes, l'industriel avant le digital, ou le digital comme complement de l'industriel. Kevin Kelly nous rappelle que "to reckon leapfrogging as significant, it must be seen as a way to skip a complete generation of infrastructure [...] To a degree that is invisible to us, new tech sits on a foundation of old tech. Despite the vital layer of intangible activities which constitute our modern economy, a huge portion of what goes on each day is fairly industrial in scope: moving atoms, rearranging atoms, mining atoms, burning atoms, refining atoms, stacking atoms."
Revenons a notre ami bostonien et a son pari rwandais, il ne reussira que si le gouvernement rwandais l'accompagne dans sa demarche, en developpant les infrastructures, en promouvant la libre-entreprise, en elevant le niveau de vie des habitants et en creant un environnement sain propice aux affaires. Alors la seulement, l'internet a $80 ne sera non seulement pas un autre moulin a vent pour Greg Wyler, encore moins un reve inaccessible pour les rwandais, mais une realite, et au dela de cette realite, une commodite!
Affaire a suivre.
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Commentaires
Partir de rien ou de loin est parfois un avantage et permet des sauts quantiques. Mais sur des projets comme la téléphonie les investissements sont monstreux et l'usage des dernières techno pas forcément abordables. Il me parait impossible de généraliser. A chaque situation il y a une réponse individuelle.
Maintenant, sur un sujet que je maitrise un peu mieux, le DEV. L'absence d'existant est un avantage évident pour faire des sauts technologiques, tant en terme de matériel que d'outils. Mais la encore pour des raisons économiques je pense que dans certains pays il y a recyclage d'une techno de génération plus ancienne ...
Je rejoint donc le commentaire ci-dessous Old technology often has lower requirements (including required capex), meaning that without somehow finding extra resources poor countries have no choice but to "go retro". That doesn't mean leapfrogging is impossible or is a bad strategy (if you can afford it). ... Posted by Danila Medvedev on March 10, 2006 at 11:29 AM